Les derniers jours de Heath Ledger : rien à signaler ? - Le fil cinéma - Télérama.fr
Retour de vacances, ultime soirée farniente, mais devant la télé : on y passe Casanova, de Lasse Hallström – inédit en salles, me semble-t-il (sur Cinécinéma Emotion, en multidiffusion). Heath Ledger n'était pas encore la star-météore qu'il serait à l'époque de Brokeback Mountain, et à fortiori après sa mort, en janvier 2008, et la sortie de The Dark Knight... Mais il fait l'affaire, avec ardeur et fraîcheur. Un peu moins réussi que Chevalier, la savoureuse fable médiévale où j'ai découvert le comédien australien, Casanova enquille une intrigue Marivaux-Goldoni où s'ébrouent, plutôt bien, des acteurs british, la jolie Sienna Miller, Jeremy Irons en Grand Inquisiteur, le gros Oliver Platt en fabricant de lard gênois, tentant de pénétrer le marché du saindoux vénitien. Il faut attendre la fin du film pour comprendre que Casanova n'est pas tout à fait Casanova, mais dans cette fantaisie, Heath porte bien la chemise blanche, comme en témoignent les séquences ci-dessus...
Cet été, l'édition américaine de Vanity Fair a publié un long article consacré aux « derniers jours » de Heath Ledger, mettant sur l'affaire un as du ciné-journalisme local, Peter Biskind (l'auteur du Nouvel Hollywood). Des révélations dans ce texte « king size » (plus de trente feuillets !) ? Pas vraiment : des bribes d'infos, pêchées ici ou là. La certitude qu'Heath Ledger était un type un peu compliqué, dont la plus grande peur était de devenir ce que les Américains appellent une « matinee idol » - un jeune premier pour ados. Il passait beaucoup de temps à refuser les projets (aurait-il dû dire non à Casanova ?) et aurait justement accepté The Dark Knight parce que la longueur du tournage lui permettait de décliner toutes les autres propositions... Il n'aurait pas détesté, suggèrent certains, que son interprétation du Joker soit « too much » pour les producteurs du film (son modèle était Johnny Depp sur la série Pirates des Caraïbes), puisque, même viré, il aurait touché son cachet...
Biskind explique que Heath Ledger, trop beau, trop fragile, n'était pas fan du star-system et de la pression d'Hollywood, d'où son envie de retrouver Terry Gilliam, marginal volontaire, pour L'Imaginarium du Docteur Parnassus, qu'on a vu depuis à Cannes – et déjà évoqué dans ce blog. L'acteur avait comme projet perso un biopic du chanteur Nick Drake : les similarités de leur mort - overdose de médicaments, vraisemblablement involontaire - sont troublantes, de même que le petit clip que Ledger avait tourné sur la dernière chanson de Drake, Black eyed dog. Un certain euh... romantisme noir est perceptible dans l'extrait (de médiocre qualité) ci-dessous...
Pourtant, l'article de Peter Biskind est plutôt plus marquant quand il quitte Ledger pour s'intéresser à Terry Gilliam, et aux difficultés du cinéaste à finir son film. Le comédien est mort alors que la partie londonienne du tournage s'était achevée, et que les prises de vue devaient reprendre en studio à Vancouver. Restait à tourner les scènes de pur imaginaire - ce qu'éprouvent les « patients » du Docteur Parnassus. On sait comment Gilliam s'en est tiré : en faisant appel à Johnny Depp, Jude Law et Colin Farrell pour créer des avatars (le mot est à la mode) du personnage de Ledger. Pas facile, pourtant, de contacter une superstar : après avoir eu l'accord verbal de Johnny Depp, le réalisateur s'est trouvé à un moment dans l'impossibilité de le joindre, désemparé face à une myriade d'agents, avocats, managers, qui n'avaient pas eu vent (ou n'étaient pas ravis) de la décision de leur client. Gilliam demanda même à sa fille, employée de la production, d'aller faire le pied de grue devant la maison hollywoodienne de la star pour tenter de l'apercevoir – elle se fit jeter par les vigiles... Le genre d'expérience à laquelle Heath Ledger rêvait d'échapper ?